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Bagnols Blues Festival


à Bagnols-Sur-Cèze



[Date de rédaction: Samedi 10 Juillet 2004]



Après une première soirée, le jeudi 8 juillet, consacrée à la scène blues-rock française (GG Gibson & Koko Harp, Jesus Volt, Little Bob), le festival de Bagnols-Sur-Cèze 2004 fut bien lancé. Il continua sur sa lancée avec une tendance beaucoup plus blues, proposant Tee, pas moins que John MAYALL et ses Bluesbreakers, et enfin Nine Below Zero.


TeeLa réputation de Tee n’est même plus à faire tant ce jeune belge a récolté de lauriers auprès de la critique blues (par ailleurs, il a été élu meilleur guitariste européen de l’année 2004 aux Trophées France Blues). Sa jeunesse n’empêche pas le talent, appliquant sur scène une rigueur et une qualité d’exécution remarquable.
Je m’attendais à essentiellement du west coast mais non, Tee c’est bien plus que cela. Hormis quelques jumps rapides, beaucoup de Chicago blues de rythmes variés constituèrent le répertoire de cette soirée. La guitare précise, un son chaud et travaillé dans le style 50’s ; il n’en fallut pas plus pour conquérir le public.
A cela s’ajoutait cependant une petite section de cuivres, sax et trompette, venant jouer les interludes sous forme de soli spectaculaires, poussés par Marc, et contribuant à diversifier le show. J’imagine toutefois que Tee reste intéressant en formation trio et je ne désespère pas d’y assister un jour.


John MAYALLCette mise en bouche de choix fut à la hauteur de la tête d’affiche qui suivit : John MAYALL.
La légende du british blues, de nouveau de plus en plus présente sur scène depuis son 70ème anniversaire, était accompagné de ses inséparables Bluesbreakers. Formation maintes fois renouvelée au fil des ans, connue pour avoir révélé des personnalités telles Eric CLAPTON, Mick TAYLOR, Jack BRUCE, ou encore Coco MONTOYA, elle se compose aujourd’hui de Buddy WITTINGTON à la guitare, Hank Van SICKLE à la basse, et Joe YUELE à la batterie.
Après "If You Love Me Like You Say" et "Hideaway" en guise d’introduction à l’entrée de John, le guitariste actuel Buddy WITTINGTON se révé la à la hauteur. Certainement pas aussi charismatique sur scène qu’ont pu l’être ses prédécesseurs, il n’en possède pas moins une maîtrise instrumentale certaine. Ce fut lors de ses soli, sous l’impulsion de John MAYALL, qu’il se découvrit un peu.
Mais le spectacle tourne incontestablement autour de John MAYALL et John MAYALL fait tourner le spectacle. C’est en effet sous sa baguette que les titres s’enchaînèrent sans relâche et John confirma s’il était besoin qu’il est un formidable maître de scène. Instrumentiste plutôt limité au clavier , à l’harmo ou à la guitare, sa présence et sa faculté à diriger n’a rien perdu avec les années. Même la voix n’a pas trop souffert du temps et garde toute sa singularité. Sans aucun doute possible, c’est une légende qui se produisit devant nous et notre bonheur, à nous public, fut d’y participer un peu en gravant ces instants dans notre mémoire.


Mark FELTHAMAutre légende mais du british blues-rock, les Nine Below Zero qui suivirent affirmèrent leur image de rouleau compresseur musical. Emmené par un Dennis GREAVES et un Mark FELTHAM brillants (Mark fut remarquable sur le "Last Night" de CLAPTON), Gerry McAVOY à la basse comme ses acolytes arpenta la scène, harangua la foule, bref contribua au dynamisme de l’ensemble.
Quelques titres incontournables dont un long instrumental laissant toute liberté à FELTHAM, leur concert fut ponctué d’un hommage à Ray CHARLES en faisant reprendre à la foule "Hit The Road Jack".
Le long rappel fut l’occasion d’interpréter des reprises telles "On The Road Again".
Notons que les relâches dues aux changements de plateau furent systématiquement comblées par le groupe Awek sur la petite scène du Bayou. Fonction peu confortable, ils purent tout de même présenter leur excellent dernier album "Messin’ With The Blues" avec, à chaque fois, quatre ou cinq morceaux. Leur interprétation toujours aussi séduisante ne me lasse pas et fit irrésistiblement bouger le public durant ces quelques minutes.


Maurice John VAUGHNVendredi 10 juillet, 20h45, un plateau de choix entra en scène. Les Chicago Blues Ambassadors avaient en effet à leur tête le multi-instrumentiste Maurice John VAUGHN et B.J. EMERY, le compagnon inséparable et indispensable. Sur cette tournée, le bassiste Murphy DOSS était du voyage. Les baguettes étaient confiées à Donald Ray JOHNSON qui apportait en supplément sa formidable voix. Pour compléter, les guitares se partageaient entre Gaspard OSSIKIAN et Fred BROUSSE, également harmoniciste. Que de promesses !
Maurice placé derrière le clavier le délaissa alternativement pour égrainer quelques phrases de guitares. Le jeu fin, un peu swinguant, fut particulièrement séduisant. Il fut secondé par les interventions de B.J. au trombone et Fred à l’harmonica, des interventions savamment travaillées. A tour de rôle, chacun fut mis en avant. C’est ainsi que Gaspard, qui tenait plus souvent la rythmique, pu prendre des soli incisifs, imprégnés, de même que Fred qui, la guitare en main, nous asséna un solo exceptionnel et très remarqué.
Fred BROUSSE
B.J. EMERY pris, le temps de plusieurs titres, sa place au chant. Affichant habituellement un certain stoïcisme au trombone, il se révéla alors un excellent chanteur et meneur. Sa voix étonnamment puissante en considération de son gabarit fit mouche en reprenant Elmore JAMES, ou mieux encore sur "Nothin’ But A Woman" de Robert CRAY.
Autre voix, puissante, suave, belle elle aussi, fut celle de Don JOHNSON, désormais aveugle, qui prit les rênes depuis derrière ses fûts. Maurice était alors à la guitare ou au sax, un beau saxophone noir agrémenté de fioritures dorées.
Un plateau donc bien garni, de haut niveau, pour nous servir un Chicago blues à la fois moderne et authentique, assaisonné parcimonieusement de soul et de funk. Les Chicago Blues Ambassadors séduisirent le public par cette fraîcheur et cette joie de jouer ensemble. Un groupe à ne manquer sous aucun prétexte s’il passe près de chez vous et à écouter sans souci de satiété.

Bob MARGOLIN

Si la première partie fut de haute volée, il n’en fallait pas moins pour introduire les All Star Blues Jam de Bob MARGOLIN qui entrèrent en scène.
Tout d’abord l’ex-guitariste de Muddy WATERS et l’ex-batteur Willie "Big Eyes" SMITH, accompagnés du jeune bassiste Tom "Mookie" BRILL. Dès les premières notes, je fus scotché ! Le son était puissant, rond et chaud, un peu saturé, et d’un seul coup les albums de MARGOLIN me revinrent en mémoire.
Après "I’m Ready", ce fut un "Mannish Boy" sauvage qui entraîna un public véritablement transporté, offert au riff lourd et hypnotique de ce morceau.
Autre moment, autre titre, un hommage à Ray CHARLES joué dans une atmosphère intimiste avec au clavier Sherry, la soeur de Bob.

Hubert SUMLIN
L’entrée de Hubert SUMLIN sur le plateau ne pouvait passer inaperçue ; il avança lentement vers le centre de la scène. Le bonhomme est âgé, fatigué, et resta assis durant la totalité de sa prestation. Il n’empêche, il s’agissait bien de Hubert SUMLIN, courbé sur sa guitare, légende du Chicago blues. Nous en étions conscients et trop heureux de pouvoir lui pardonner son jeu hésitant. Lui-même semblait désolé, lançant des regards de détresse vers Bob MARGOLIN qui affectueusement, parfois la main sur l’épaule, le rassurait et l’encourageait. Il chanta "On Top Of The World" et Bob assura les solos.




Carey BELL
Autre légende dans cette programmation de rêve, Carey BELL remplaça Hubert. Sa longue silhouette dans un large costume vert olive se plaça au micro et les premières phrases soufflées montrèrent que Carey avait gardé bien de sa superbe. Ce fut effectivement un tour de chant formidable qu’il nous joua, du Chicago comme si on y était. Bien plus alerte que je ne craignais, Carey bénéficie d’une véritable aura qui suspendit la foule à ses lèvres.
Ce concert fut sans nul doute le sommet du festival.



Sharrie WILLIAMS avait la lourde tâche de clôturer cette troisième soirée. Toute de blanc vêtue, cette grande chanteuse fit une excellente impression. Son interprétation dynamique et enjouée démontra qu’il est possible aujourd’hui de jouer du blues sans que cela puisse paraître ennuyeux au néophyte.
Cependant, son groupe accompagnateur, les Wiseguys, semblait confondre dynamisme avec violence et vélocité. Ce fut notamment le cas du guitariste qui est doté d’une technique accomplie mais a oublié que le blues est avant tout une musique basée sur l’émotionnel avant d’être un exercice de style. Cette prestation m’ayant laissé perplexe, je réserverai donc mon appréciation en attendant de voir Sharrie accompagné par un autre groupe plus mesuré.


Boney FieldsA peine descendus du petit nuage sur lequel nous étions la veille grâce au groupe de Bob MARGOLIN, la soirée de clôture de ce Bagnols Blues promettait d’être encore une grande soirée.
L’honneur d’ouvrir fut donné à Boney FIELDS, ex-trompettiste des deux générations ALLISON, Luther et Bernard. Rapidement plus funk que blues, le groupe conquit un public grandissant. Nombreux furent les personnes séduites par le groove de ce groupe et qui dansèrent aux rythmes brûlants de cette section de cuivre, le Bone’s Project.
Boney est débordant d’énergie et un véritable showman. Il sut captiver l’auditoire et insuffler une dynamique qui lui permit de nous tenir en haleine jusqu’à la fin, haranguant la foule pour faire monter la sauce, lançant un hommage à James BROWN pour raccrocher avec des titres plus connus, alternant blues, funk et rythm’n blues.
Du grand art et une vraie dimension sur scène.


Mighty Sam McCLAINEnsuite, ce fut Mighty Sam McCLAIN qui entra en scène. Je devrais dire le "grand" Mighty Sam McCLAIN tant son allure force le respect. Ce soir-là habillé d’un costume à longue veste blanche, il avait des airs de prêcheurs qui furent confirmés par sa façon de chanter. Basés sur une foi bien ancrée, ses textes sont au service d’une voix magnifique, chaleureuse, évocatrice.
Les morceaux interprétés étaient pour la plupart extraits de son plus récent album "One More Bridge To Cross" sorti sur son propre label Mighy Music. Un répertoire mêlant blues, gospel, soul où la qualité du chant et la présence du bonhomme firent tout, portant le spectacle durant toute sa longueur. L’ambiance mise en place était destinée à une communion musicale avec le public, et ce fut béat d’admiration que l’on écouta Mighty Sam.
Les titres "Why Do We Have To Say Goobye" furent les plus grands moments de cette soirée et je pense que son message insistant d’amour et de paix ne laissa personne indifférent.


C’est donc un festival grand cru 2004 qui s’est déroulé à Bagnols durant ces quelques jours. Un retour spectaculaire vers le blues avec une affiche audacieuse et de qualité justifia le succès remporté par cette édition tant auprès du grand public qu’auprès des initiés voire des connaisseurs venus parfois de loin pour profiter de ces moments magiques. Mais je crois personnellement que le succès de ce festival est également dû à l’organisation impeccable, à l’équipe qui régit tout cela avec passion et dévouement, et contribue à l’ambiance si sympathique. Ces personnes méritent aussi un grand merci et nos encouragements pour la suite.

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© Philippe ESPEIL Dans les emails, remplacez _A_ par @ - Dernière modification: Mardi 21 Septembre 2004