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Awek, Peter NATHANSON, Nine Below Zero,
Bluetones, Blues Conspiracy, Bryan LEE


au Festival Blues de Salaise-Sur-Sanne



[Date de rédaction: Samedi 03 Avril 2004]



Le festival blues de Salaise-Sur-Sanne cette année 2004 a, comme l'an passé, scindé son programme avec un vendredi plus rock et un samedi plus blues. Ce vendredi soir 3 avril, c'est donc Awek qui ouvrait pour Peter NATHANSON, lui-même suivi de Nine Below Zero.

Bernard SELLAM
Awek, ce ne sont pas des inconnus car ils sont souvent de passage dans la région (on aimerait que ce le soit encore plus souvent) à l'Eden Rock, au James Café ou encore au TSF. Cependant, cette soirée était l'occasion d'entendre sur scène les morceaux qui composent leur dernier album "Messin' With The Blues". L'album étant très bon, le concert promettait de l'être également.
Awek a tenu ses promesses. Le répertoire était presque entièrement constitué des titres de "Messin'" étoffé par d'autres du précédent "Barber Shop" avec "Flamenco Woman" et "Work".
Bernard SELLAM à la guitare s'est montré à la hauteur de sa réputation et nous a gratifié de mimiques des plus amusantes. La scène est grande mais Joël, qui tenait la basse, occupait bien l'espace. La basse balançait à souhait, sûre, efficace. Quant à Olivier TREBEL, loin au fond de la scène, derrière sa batterie, il a pu jouer sans retenue.
Leur blues, proche du rock, mais revenu à une teinte plus blues récemment (alors que nombre d'autres font le contraire) est la musique qui semble leur convenir le mieux. Ils avaient l'air vraiment soudés, l'expérience et les galères quotidiennes n'y sont sûrement pas pour rien, et l'arrivée de Youssef REMADNA ne fit que confirmer l'amitié et la complicité qui règne entre ces musiciens. Cet excellent harmoniciste qu'est Youssef nous a fait l'honneur de sa présence aux côtés de ses amis toulousains. L'apport de l'harmonica sur les titres de Awek est tout à fait important et leur apporte une dimension supplémentaire. Mais Youssef chante aussi très bien et ce fut vraiment un plaisir de l'entendre.
Un autre harmoniciste, Michel du groupe grenoblois Out Of Blues, est également venu sur scène, ...soutenu par des béquilles !
La première partie fut donc d'un haut niveau et lança brillamment la soirée.

Peter NATHANSON
Ensuite Peter NATHANSON fit son entrée. Le crâne sous un foulard et sa dégaine lui donnait des allures de biker. Sur la scène, quatre guitares sur leur trépied, une petite collection au service de Peter. Peter est également souvent sur la région (et fera d'ailleurs le prochain festival de Sathonay avec Awek, en première partie de Bernard ALLISON) et était passé récemment au James Café.
Ici, bénéficiant d'une scène plus grande, avec des moyens sonores plus dimensionnés, et aussi d'un public plus important, son jeu fut sensiblement différent. D'apparence plus concentré, Peter, caché derrière des lunettes de soleil, m'a semblé moins communiquant avec le public. Sa maîtrise technique et son habitude des scènes lui permettait pourtant d'être à l'aise. Résolument plus rock qu'au James Café, sa prestation fit tout de même bonne impression et conquit le public qui, il faut bien le reconnaître, était sans doute venu en majorité pour la tête d'affiche, les Nine Below Zero, et n'était donc pas aussi sensible aux notes bleues que pourraient l'être l'audience d'un petit club. Peter a su s'adapter.

Gerry McAVOY
Nine Below Zero donc, traversant les années, était visiblement grandement attendu. Déjà l'an passé, les Pretty Things était la vedette de la première nuit du festival, donnant une tendance plutôt rock à l'ouverture du festival (mais John HENRY s'était alors affirmé comme la révélation du festival et avait créé un grand moment de blues).
Cette année encore, c'est une tendance plutôt british blues et blues-rock qui s'est confirmée. Fort de leur aura auprès du public, les Nine Below Zero ont montré un talent tout particulier à emporter leur public. Le gros son, le jeu de scène, la présence des musiciens et leur façon désinvolte de toujours donner l'impression de s'amuser malgré leur âge fut séduisante. Il y a en eux encore un petit grain de folie issu de cette époque, une attitude un peu frondeuse qui fait partie de leur identité.
Le guitariste Dennis GREAVES balance des riffs , le bassiste Gerry McAVOY ne lasse pas la galerie par ses mimiques et son jeu de scène, et surtout 'harmoniciste Mark FELTHAM fit du grand art. Il fut d'ailleurs seul lors d'une grande partie instrumentale et exécuta un des meilleurs moments de cette soirée.
Bref, un concert à la hauteur de leur renommée fut donné, avec des musiciens très professionnels.

Les Bluestones
La deuxième nuit devait débuter tout aussi bien que la veille avec à nouveau un groupe français en la personne des Bluetones. Moins connus que les précédents Awek, les Bluetones n'ont sorti pour l'instant qu'un seul album "From B. To Mr J." mais qui a fait l'unanimité auprès des médias du blues en France. Leur révélation s'est faite au Tremplin Blues Sur Seine en 2002 et depuis ils ne font que confirmer leur position de grand groupe émergeant.
Christophe BECKER à la guitare et au chant, en tant que leader du groupe se met en avant et on ne pourrait imaginer qu'il en soit autrement tant il a les trucs pour attirer l'attention du public, les grimaces, le jeu de scène, le chant, étant une panoplie de ficelles dont il use à profusion.
Ses acolytes à la basse et à l'harmonica, respectivement Luc MULOT et Thomas TROUSSIER, ne sont pas de reste mais tout de même dans une moindre mesure. Thomas n'hésite pas à prendre de très bons solos, inspirés, convaincants.
Clairement, ce groupe enflamme la scène, fait d'un concert un véritable spectacle où il est impossible de s'ennuyer. La maîtrise instrumentale de Christophe et Thomas est remarquable. Le répertoire, à l'exception de l'introduction de T-Bone WALKER, fut exclusivement construits autour de compositions de Christophe, prouvant ainsi qu'en 2004 on peut encore faire du blues, ou du jump, ou du rock 50's de qualité, en France, et à la portée de toutes les oreilles.

Puis le concert suivant commença tout doucement, appelant par quelques notes de guitare les personnes encore accoudées à la buvette pendant l'entracte. C'est Patrice BOUDOT-LAMOT, seul en scène, qui interprétait un de ses morceaux à la guitare électrique, "Maman Pourquoi". Difficile exercice pour lui que d'être sur cette grande scène après ce que les Bluetones ont pu nous donner. Cependant, le jeu est excellent. L'attaque franche, un brin agressive, est étonnante pour un guitariste qui joue aux doigts. Le jeu en picking est d'une aisance renversante.
Patrice est lui aussi lauréat du Tremplin Blues Sur Seine (qui est en passe de devenir une institution pour ce qui est de faire connaître les nouveaux groupes Français) et avait remporté en 2001 le prix Fondation de la Poste récompensant le meilleur interprète en Français. Là, on comprend pourquoi. D'autant plus que les textes sont en Français donc et bien écrits. Encore un "Vieux Blues En Mi" avant d'accueillir le reste du groupe, Blues Conspiracy.
Stan NOUBARD-PACHA
Cette formation montée récemment compte parmi elle une sélection de musiciens connus. Outre Patrice, on y retrouve Stan NOUBARD-PACHA à la guitare, Larry CROCKETT à la batterie, un bassiste dont j'ai oublié le nom, et Nico Wayne TOUSSAINT à l'harmonica. Le leader à ce moment là est Nico qui, excellent technicien, a surtout une grande capacité à communiquer avec le public. Sa présence sur scène est explosive, débordante d'énergie. Il sait également manier des instants plus intimes avec, ce soir-là, un morceau dont il a joué la longue partie instrumentale près des spectateurs, en descendant quelques marches dans la fosse.
Stan NOUBARD-PACHA fut lui aussi étonnant, nous gratifiant de quelques soli particulièrement bien ficelés, habité rapidement d'un bon feeling. les musiciens étaient assez soudés et à l'écoute de Nico, et ce fut sans doute la partie la plus réussie de ce concert.
En effet, l'entrée suivante de Alain RIVET, manager à ses heures mais surtout chanteur sur cette troisième partie de concert, devait donner une autre couleur au set de Blues Conspiracy. Dotée d'une grosse et forte voix, Alain a interprété des titres Chicago ou tendant vers la soul. Mais la mayonnaise a tout de même eu du mal prendre. Alain RIVET semble à l'aise au micro mais m'a donné l'impression de manquer de naturel. Prestation peu convaincante à mon goût, j'ai également été étonné du flottement qu'il pouvait parfois y avoir entre les musiciens. Alors qu'ils avaient été brillants quelques minutes plus tôt, le spectacle devenait moins intéressant. Doit-on mettre cela sur l'absence de Nico pour cette partie ou bien du manque de rodage du répertoire ? Pourtant, un album des Blues Conspiracy est déjà en vente, on peut donc imaginer qu'il a été répété et joué maintes fois.
Le plus dur pour moi est que ce sentiment de malaise s'est confirmé avec l'arrivée de la vedette (?) du groupe, Neal BLACK, un guitariste texan ayant adopté la France pour poursuivre sa carrière. Sous la houlette d'Alain RIVET, Neal BLACK tourne assez souvent dans nos contrées et s'impose dans le style blues-rock comme une personnalité et un des meilleurs représentant actuel de ce courant. Le son sursaturé de sa guitare fut effectivement la marque de fabrique de ce guitariste. Alliant maîtrise et dextérité, je l'ai cependant trouvé trop rock et peu impliqué dans l'interprétation des titres, ce qui est peut-être lié au tempérament du personnage que d'afficher ainsi un air détaché. Toujours est-il que la présence de trois guitares sur scène était apparemment trop importante. Stan, sous-employé, se contentait de la rythmique, Patrice cherchait une piste, du regard, vers Stan. Le moment de flottement ressenti plus tôt se faisait pesant.
Le contraste fut encore plus saisissant lorsque Nico Wayne TOUSSAINT est revenu sur scène. Alors que son jeu était précédemment flamboyant et avait boosté le set de Blues Conspiracy, là il ne devenait qu'un musicien de plus, accompagnateur de surcroît, sans les moyens de réchauffer tout ce beau monde.
Au bout du compte, hormis la prestation de Nico, j'ai eu l'impression d'assister à un mix d'excellents instrumentistes avec de fortes et intéressantes individualités mais gérant mal l'exposition qu'il était fait de leurs talents.

Bryan LEE
Enfin, le tant attendu Bryan LEE, guitariste de New-Orleans atteint de cécité depuis l'enfance, fit son entrée, et devait être en toute logique le "moment blues" du festival. Accompagné d'un batteur, d'un bassiste et d'un guitariste, l'homme empoignait sa Télécaster et, tantôt debout tantôt assis, nous assénait des petites phrases saignantes. Sous son chapeau, derrière les lunettes noires et la barbichette blanche volontaire, Bryan LEE a joué des blues très électriques, dans un style assez Chicago 70-80. Du coup, je n'ai pas trouvé dans son jeu de couleur louisianaise, peut-être parce qu'il a surtout vécu de longues années dans le nord des Etats-Unis. Il le clame, son mentor est Freddie KING et il se doit de lui rendre hommage, c'est ce que l'on retrouve dans son jeu. La diction très hachée donne un drôle d'effet à un chant somme toute moyen.
Dans ce spectacle, son second guitariste, Brent JOHNSON, s'est montré particulièrement mis en valeur. Il est jeune, il en a sans doute besoin, et c'est tant mieux pour lui car il a d'étonnantes capacités. Son jeu est encore trop fougueux et mériterait d'être réfréné pour qu'il puisse y mettre un peu plus d'émotion et que l'auditeur puisse l'apprécier à sa juste valeur. Mais comme je l'ai déjà dit, il est jeune. A n'en pas douter, il saura tracer son chemin et faire parler de lui dans les années à venir.
Mais tout ça nous faisait donc un spectacle pas aussi blues qu'espéré. De blues, il n'y avait rien à attendre du bassiste, le look amérindien contemporain aux longs cheveux, qui faisait le show. Sa présence sur scène dynamisait un concert où les musiciens, lui mis à part, étaient statiques.

Je fus donc déçu par ceux qui promettaient de nous donner du grand spectacle, cette édition du Festival Blues de Salaise fut cependant un excellent bon point pour ceux qui sont relégués (on se demande de plus en plus pourquoi) à faire des premières parties. Ces petits "frenchies" m'étonnent de mois en mois d'avantage par leurs capacités à créer un répertoire respectueux du blues "historique", doublé d'une démarche artistique, avec des compositions de qualité, mais également doués pour enthousiasmer une salle et la combler. Il faut souligner là l'encouragement que propose la Commission Culturelle de Salaise-Sur-Sanne qui organise ce festival et leur donne ainsi l'occasion de se faire connaître du plus grand nombre, d'un public pas forcément acquis à leur cause, pour enfin transformer l'essai en coup gagnant.


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© Philippe ESPEIL Dans les emails, remplacez _A_ par @ - Dernière modification: Jeudi 17 Juin 2004